2. Europe des révolutions
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Europe des révolutions

La révolution de 1830

En 1815, l’Europe royaliste (Allemagne, Prusse, Autriche) se renforce en créant la Sainte Alliance (Congrès de Vienne sous l’égide de Metternich, ministre autrichien). L’Angleterre reste neutre mais est proche de la Sainte Alliance. La France gouvernée par Louis XVIII puis Charles X passe dans un régime ultra royaliste et reste proche de la Sainte Alliance.

La France souffre de ce manque de liberté. En 1830, les français élisent au Parlement une majorité de députés libéraux. Cette majorité n’infléchit pas la politique de Charles X. Fin juillet 1830, Paris s’insurge : des barricades s’érigent dans les rues et des affrontement ave cles troupes de Charles X font plusieurs milliers de morts et de blessés en 3 jours. Il y a beaucoup d’étudiants, d’artisans, d’ouvriers. Charles X fuit en Angleterre. Les Français portent au pouvoir Louis Philippe (Monarchie de Juillet) de la branche d’Orléans plus à même de construire une monarchie constitutionnelle.

L’Europe accepte Louis Philippe. Néanmoins ces quelques journées ont un écho dans toute l’Europe : insurrections en Allemagne, Italie, Belgique. Certains princes sont obligés de fuir. Ces quelques journée ont fait souffler un vent de liberté qui ébranle les monarchies.

La révolution de 1848

Même après les avancées des Trois Glorieuses, en 1830, obtenant une monarchie constitutionnelle, les antagonismes s’exaspèrent, en ces temps d’épidémie, de choléra, de disette, de crise financière, de crise morale avec plusieurs scandales politiques, et de rivalités politiques ou de querelle à propos des écoles religieuses. Les incidents se produisent plus régulièrement dans la capitale qu’en province et peuvent alors faire resurgir les barricades.

Dès sa naissance, la monarchie de Juillet est victime de troubles politiques à caractère insurrectionnel. Ainsi, la révolte des canuts à Lyon est matée dans le sang dès novembre 1831. Le 5 juin 1832, les obsèques du général Lamarque provoquent une insurrection républicaine et la mort de 800 personnes. En avril 1834, Lyon réactive la révolte tandis que le massacre de la rue Transnonain à Paris échauffe les esprits… Toutefois, faute de soutien populaire massif, ces émeutes ne sont pas en mesure de faire vaciller le pouvoir. Symbole de ces troubles, Louis-Philippe échappe à cinq attentats le temps de son règne. La politique menée par Louis-Philippe Ier qui s’entoure de ministres banquiers est avant tout axée sur le développement économique. Cependant, les progrès de l’industrialisation ne profitent pas aux classes les plus pauvres et notamment à la classe ouvrière naissante, la « classe laborieuse ». Celle-ci rime d’ailleurs avec « dangereuse » pour les bourgeois au pouvoir, et ceux jusqu’à la fin du XIXème siècle. A la tête du parti conservateur et du gouvernement depuis 1840, le président du Conseil, François Guizot proclame « Enrichissez-vous », pariant sur l’augmentation général du niveau de vie. Pourtant, la misère s’accroît, et avec elle le mécontentement.

En province, la crise de subsistance qui sévit dès 1846 à la suite de deux mauvaises récoltes de céréales (1845 et 1846) et à la maladie de la pomme de terre, provoque également des troubles. À Buzançais, dans le Berry, le 13 janvier 1847, les tisserands, ouvriers et journaliers réunis dans les faubourgs s’opposent violemment à un transport de grains. Cette émeute, signe de l’affrontement entre blouses et habits, est significative du fossé qui se creuse entre les couches populaires qui s’appauvrissent et les notables qui s’enrichissent.

Le peuple de Paris manifeste afin que Louis Philippe révoque son ministre (Guizot). Ce dernier est révoqué et les manifestations semblent se calmer. Néanmoins un incident entre des soldats et des manifestants fait une cinquantaine de morts parmi les manifestants. La colère s’empire et des barricades se dressent dans Paris. Elles sont tenues par des ouvriers, des artisans, des étudiants. Louis Philippe est obligé d’abdiquer.

Sous la direction d’Alphonse de Lamartine (le poète romantique) , un gouvernement provisoire est formé. Le 25 février, Lamartine annonce à la foule amassée devant l’Hôtel de ville la proclamation de la République. Formé d’une alliance entre les républicains libéraux et les démocrates socialistes, le gouvernement engage de nombreuses réformes tandis que la population fête l’événement. Liberté de la presse, suffrage universel, droit au travail, suppression de l’esclavage et de la peine de mort pour délit politique sont annoncés dans un climat d’euphorie. Toutefois, on refuse d’adopter le drapeau rouge associé à la Terreur.

Derrière le poète romantique Lamartine, toute la France semble soudain adhérer à la République. C’est « l’Illusion lyrique ». Illusion, car rapidement le climat se dégrade et voit s’opposer républicains et extrême gauche tandis que les conservateurs reviennent aux avant-postes.

Après des élections favorables aux modérés et aux monarchistes le 25 avril, la gauche tente un coup de force le 15 mai 1848.

Mais le coup le plus dur vient au mois de juin 1848 avec l’insurrection des Ateliers nationaux. La répression, violente, fait des milliers de morts chez les insurgés (peut-être 5 000) et près de 900 dans l’armée. A titre de comparaison, la révolution de février a coûté la vie à environ 350 personnes…

En décembre, Louis-Napoléon Bonaparte obtient la présidence et Lamartine 1% des voix. En 1849, l’assemblée devient monarchiste. L’Illusion lyrique est passée : le peuple a choisi le retour à un ordre bourgeois qui diffère peu de la monarchie. D’ailleurs, dès 1852, la IIème République laissera place au Second Empire.

La France n’est pas encore prête à se stabiliser politiquement. Toutefois, la monarchie ne sera jamais rétablie. 1848 aura par ailleurs été une année de révolutions : les difficultés économiques aidant, les mouvements révolutionnaires ne se limitent pas à la France. Autriche, Hongrie, Italie et Allemagne connaissent également des troubles. C’est le printemps des peuples.

Le printemps des peuples

On peut voir le Printemps des peuples comme une conséquence directe de la création de la Sainte Alliance. En effet, les vainqueurs de Napoléon Bonaparte furent tentés d’agrandir le territoire des empires, au détriment des aspirations nationales des révolutionnaires républicains de l’époque. La volonté d’endiguer ces aspirations est consacrée par le Traité qui instaure la Sainte-Alliance (bien que non signée du Royaume-Uni) en 1815. Ignorés, ces mouvements se renforcent.

Les sentiments nationaux, liés au romantisme, se nourrissent à la fois d’aspirations d’émancipation sociale et de la mutation des identités populaires qui s’éloignent désormais des fidélités à telle ou telle dynastie, pour s’appuyer sur une langue, une culture, une histoire ou des traditions communes : ainsi les Allemands, les Polonais, les Italiens et les Roumains aspirent-ils à la fois à échapper aux dominations impériales qu’ils subissent, et à s’unir au sein d’un même État ; d’autres peuples comme les Tchèques ou les Hongrois aspirent à retrouver leur indépendance perdue, tandis qu’en France la restauration monarchique, même devenue constitutionnelle, est elle aussi remise en question par les forces républicaines et bonapartistes réunies.

Cette vague contestatrice balaie en quelques semaines la « vieille Europe ». Contrairement à 1830, tout ne commence pas en France. En Sicile, le peuple se soulève contre son roi le 12 janvier. Turin et Florence s’agitent à leur tour un mois plus tard. Louis-Philippe qui, avec son principal ministre Guizot, a refusé d’élargir le suffrage, est renversé par le peuple au profit d’une république en une révolution de trois jours (22-24 février). Le 2 mars, le nouveau ministre des Affaires étrangères, Lamartine, rend publique une circulaire à ses agents diplomatiques dans laquelle, non sans ambiguïté, il rassure les puissances en affirmant que la jeune République est pacifique – cela pour éviter qu’une armée ne soit envoyée contre elle, mais en ajoutant que les traités de 1815 n’ont plus lieu d’être et en encourageant en sous-main Italiens, Moldaves et Valaques à se soulever eux-mêmes. Quoi qu’il en soit, l’exemple venu de Paris, la matrice des révolutions, fait tache d’huile. « Quand Paris éternue, l’Europe s’enrhume », disait justement le chancelier autrichien, Metternich. Partout, le même répertoire d’actions violentes est utilisé : appel au soulèvement contre le pouvoir établi, manifestations de rue, édifications de barricades, heurts sanglants.

Le 13 mars, Metternich, qui symbolise l’ordre de Vienne depuis 1815, doit ainsi démissionner et est contraint de fuir devant la révolte du peuple viennois. Dans l’Empire d’Autriche, Budapest et Prague se soulèvent. Les revendications libérales se doublent ici d’un désir d’émancipation nationale. Les Hongrois et les Tchèques réclament leur autonomie et l’élection d’un nouveau Parlement et les seconds réunissent même, en juin, le premier congrès panslave pour l’émancipation de tous les slaves de l’Empire. Aux confins de l’Empire d’Autriche et de l’Empire ottoman, les principautés danubiennes et la Transylvanie se soulèvent à leur tour. La Pologne cherche de nouveau à s’émanciper de ses dominateurs russes, autrichiens et prussiens.

L’Allemagne et l’Italie sont rapidement contaminées. Dans la première, Frédéric-Guillaume IV de Prusse accepte d’accorder quelques réformes après le soulèvement de Berlin. Venise chasse les Autrichiens et proclame la république. Après l’assassinat du principal ministre pontifical Pellegrino Rossi et la fuite de Pie IX, une république est également proclamée dans la Ville éternelle. Le Royaume-Uni, la Belgique, l’Espagne et la Norvège connaissent quelques mouvements d’agitation et de soutien aux insurgés des autres pays, mais qui n’aboutissent pas. Seule la Russie reste totalement à l’écart du mouvement, même si les émigrés russes ne sont pas les moins actifs.

Notons également que l’onde de choc dépasse le cadre européen. Par le biais des empires coloniaux, les décisions prises en un pays suscitent des espoirs ailleurs. Ainsi, les décrets des 4 mars et 27 avril 1848 qui abolissent l’esclavage dans les colonies françaises ont des répercussions à Cuba et à Porto-Rico.

Après la phase insurrectionnelle, les vainqueurs du Printemps sont partout confrontés aux mêmes défis. Ils doivent bâtir de nouveaux régimes, mettre un terme à la crise et rétablir l’union entre les classes et entre les peuples. Dans les capitales, l’effervescence révolutionnaire ne s’éteint pas. Avec la liberté, fleurissent journaux et clubs, acteurs d’une véritable démocratisation de la vie politique. Les nouveaux pouvoirs proclament les libertés fondamentales (de presse, de réunion, de culte) et entament un processus constitutionnel. En France, le gouvernement provisoire républicain proclame le 5 mars le suffrage universel direct masculin qui s’applique pour la première fois, en avril, lors de l’élection d’une Assemblée constituante. Les structures sociales sont modifiées : l’esclavage est aboli par la République française et le servage disparaît de l’Empire autrichien. Cependant, les tensions politiques demeurent et la lutte contre la crise s’avère complexe. Lorsqu’en juin les républicains français suppriment les ateliers nationaux qu’ils avaient créés pour occuper les chômeurs, le peuple parisien se soulève et sa révolte est réprimée dans le sang. L’« illusion lyrique », pour reprendre l’expression de Georges Duveau, avec ses scènes de fraternisation, en particulier lors de la plantation des arbres de la liberté, vient de s’évanouir et d’enterrer l’espoir d’une République démocratique et sociale.

Ailleurs, le reflux a commencé dès le Printemps. Il en est ainsi en Pologne avec l’écrasement du soulèvement par les Russes et les Prussiens. Cependant, il intervient généralement à l’automne. Russes, Turcs et Autrichiens répriment les soulèvements des principautés danubiennes et de la Transylvanie. En France, Louis-Napoléon Bonaparte, neveu de Napoléon Ier, est élu président de la République le 10 décembre et entend faire respecter l’ordre. Pour y parvenir il peut s’appuyer dans un premier temps sur une Assemblée législative élue en mai 1849 et à forte majorité monarchiste. En Autriche, l’empereur Ferdinand incapable de gouverner a été contraint d’abdiquer, en décembre 1848, en faveur de son neveu, François-Joseph, âgé de dix-huit ans et qui renforce l’exécutif, la centralisation et la germanisation, sous couvert de quelques concessions libérales.

L’Allemagne, la Hongrie et l’Italie sont remises au pas et les projets d’indépendance et d’unification qui y ont vu le jour avortent. Alors que le parlement de Francfort réunissant des représentants venus de toutes les principautés allemandes lui propose la couronne d’une « Petite Allemagne » où l’Autriche ne serait plus présente, Frédéric-Guillaume de Prusse refuse car, selon lui, celle-ci serait « déshonorée surabondamment par l’odeur de charogne que lui donne la révolution de 1848 », et, lorsqu’il se ravise par la suite, l’empereur d’Autriche le ramène au pas avec le soutien de la Russie, lors de la conférence d’Olmütz, en novembre 1850. De son côté, le roi de Piémont, Charles-Albert, qui s’est lancé dans une croisade pour unifier l’Italie sous son égide, est écrasé par les Autrichiens à Custozza dès le 27 juillet 1848, puis de nouveau à Novare, le 23 mars 1849, et est contraint d’abdiquer en faveur de son fils Victor-Emmanuel qui évite, de peu, le dépeçage de son royaume par les vainqueurs. En août de cette même année, l’armée impériale achève la reconquête de la Hongrie avec l’aide de la Russie, obtient la capitulation de Venise et occupe les duchés italiens. À Rome, l’intervention militaire de la France de Louis-Napoléon Bonaparte et de la majorité monarchiste de l’Assemblée met fin à la République romaine et restaure Pie IX sur son trône. Les grandes figures du Printemps des peuples, Kossuth, Mazzini, Manin, prennent le chemin de l’exil.

À l’été 1849, les anciens monarques et les conservateurs qui ont pu généralement s’appuyer sur la solidarité de la Sainte-Alliance, sur le loyalisme de l’armée et sur les masses rurales, ont repris quasiment partout ce qu’ils avaient perdu. Il ne reste plus que quelques traces du Printemps des peuples, comme en Suisse où les radicaux ont réussi à imposer une constitution fédérale.

L’expérience quarante-huitarde laisse à beaucoup de ses partisans un sentiment profond d’échec et d’impuissance. En Italie, « fare un Quarantotto » (« faire un 48 ») entre dans le langage courant au sens de s’agiter pour n’aboutir à rien. Le Congrès international de la paix, à Paris, en août 1849, est un enchaînement de prises de parole grandiloquentes et teintées par les derniers feux du romantisme, mais qui n’aboutissent à rien de concret, comme le discours de Victor Hugo sur les « États-Unis d’Europe ». On retient l’image d’une révolution certes pétrie d’idéaux, mais incapable de les traduire dans la réalité ou de les défendre.

Cependant, quelque chose de fort et de durable est né dans les esprits. Les forces se sont comptées et les erreurs commises sont mises à profit. Ainsi de Mazzini qui réécrit partiellement Foi et avenir à la lumière des événements et crée son Parti d’action. Un grain vient d’être semé qui donnera bientôt de belles moissons. Les unités italienne, roumaine et allemande, pour ne citer qu’elles, sont filles du Printemps des peuples 1848.

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